Anticiper les problèmes de lecture au moins un an à l’avance grâce à la mesure de l’activité cérébrale : telle est la promesse d’une étude américaine récente. L'objectif étant de mettre en place des interventions précoces et ciblées.
En matière d’apprentissage de la lecture, il est essentiel de détecter les problèmes le plus tôt possible. En effet, les études scientifiques montrent que les interventions les plus précoces sont les plus efficaces. D’où l’idée de Mallory Stites et Sarah Laszlo, de l’université de Binghamton, aux États-Unis : prévoir l’évolution des capacités en lecture longtemps à l’avance, directement à partir de la mesure de l’activité cérébrale.
Comment une telle prédiction est-elle possible ? La lecture fait appel à de nombreuses compétences : reconnaître les mots, leur associer des sons, en extraire le sens… De multiples processus parallèles et séquentiels se déroulent alors dans le cerveau, permettant à un lecteur expérimenté d’identifier et de comprendre un mot en moins d’une demi-seconde. Or l’électroencéphalographie capte des sursauts d’activité, caractéristiques de ces différents processus, à divers endroits de l’encéphale. Selon les auteures de l’étude, l’analyse de son tracé peut alors révéler à quel point l’enfant est performant dans ces sous-compétences et ainsi la vitesse à laquelle il progressera.
Les chercheuses ont donc mesuré l’activité cérébrale d’enfants âgés de 5 à 13 ans pendant qu’ils lisaient en silence, puis ont suivi l’évolution de leurs performances sur plusieurs années. Elles ont découvert que cette activité n’était pas la même chez les élèves qui progressaient beaucoup que chez ceux qui progressaient moins. Et surtout, elles ont montré que les différences étaient suffisantes pour que l’on puisse prédire la note de lecture à l’école un an à l’avance (voire deux, selon des données non encore publiées), grâce à l’analyse du tracé électroencéphalographique.
Adapter l'apprentissage à chaque élève
Il est aussi possible de distinguer assez finement les capacités impliquées. Par exemple, l’analyse d’un pic d’activité survenant 400 millisecondes après que les yeux se sont posés sur la ligne est riche d’enseignement : plus son amplitude est élevée, plus l’élève est performant pour extraire le sens des mots, et plus son vocabulaire s’enrichit deux ans plus tard. Les caractéristiques d’un autre pic, qui se produit un peu plus tôt, révèlent la qualité de la « conscience phonologique » – la capacité à extraire et fusionner les sons élémentaires correspondant aux lettres pour former des mots.
Cette technique réaliserait donc une sorte de photographie instantanée des compétences cérébrales impliquées dans la lecture. Les chercheuses espèrent ainsi mieux identifier les points faibles des enfants, afin d’adapter leur apprentissage en insistant plus ou moins sur tel ou tel aspect.
Précisons que ces résultats ne sont pas la preuve d’un déterminisme inéluctable, puisque l’amplitude des pics électroencéphalographiques dépend de multiples paramètres, comme la fréquence à laquelle l’enfant lit en dehors de l’école. Elle identifie simplement les élèves qui, si rien n’est fait, risquent de connaître des problèmes en lecture. Par rapport aux méthodes de dépistage traditionnel, elle serait en outre moins perturbée par des facteurs comme l’anxiété de l’enfant lors du test.
Éviter la stigmatisation
L’avantage, selon Sarah Laszlo, serait aussi d’éviter que les mauvais élèves se sentent pointés du doigt : « Quand les enfants commencent à avoir des difficultés en lecture, ils ont besoin d’une aide supplémentaire, ce qui peut être vécu comme stigmatisant. En recourant à des prédictions à long terme sur leurs performances, nous pourrions leur donner cette aide avant même qu’ils ne soient à la traîne ».