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- Écrit par E MONDE.FR | 14.10.2015 | Par Adrien de Tricornot
Depuis qu’il est entré en fonction au mois de juin, Thierry Mandon, le secrétaire d’Etat chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, a dit et réitéré sa volonté de promouvoir le diplôme de doctorat, une intention qui rejoint celle exprimée par la précédente titulaire du poste, Geneviève Fioraso. Ce diplôme sera-t-il un jour aussi reconnu en France que dans les autres pays européens ou aux Etats-Unis? Le système dual grandes écoles-universités y fait en grande partie obstacle.
Le dernier étage du dispositif européen «LMD» (licence-master-doctorat) n’occupe pas, dans notre pays, la place de choix que ses voisins lui réservent. «Le doctorat donne toutes les clés pour innover dans tous les domaines, et c’est ce qui fait sa reconnaissance en Europe, alors qu’il souffre en France d’une méconnaissance culturelle», observe Monique Martinez, directrice de l’école des docteurs de l’université fédérale de ToulouseMidi-Pyrénées, soit 4500 doctorants, à qui elle propose un accompagnement professionnel personnalisé: vers l’enseignement, la création d’entreprise ou l’emploi privé. Mais le système des grandes écoles reste prédominant en France, et son auto-recrutement bien rodé. Quelques institutions – l’X, l’ENA, HEC… –, leurs grands corps ou leurs réseaux d’anciens, sont aux commandes des grandes entreprises et des ministères.
Un plan «jeunes-docteurs »
Les élites issues des grandes écoles se confrontent pourtant au marché international de l’emploi, celui des grandes institutions internationales et des multinationales européennes, où le PhD (doctorat), distinction universitaire suprême à bac + 8, est le diplôme le plus admiré. Et beaucoup voudraient obtenir ce titre. Ils poussent pour que l’accès du doctorat soit facilité par la formation continue.
Pris entre ces deux feux, le gouvernement affiche sa double volonté de valoriser le diplôme, et d’en élargir l’accès à un plus grand nombre. M. Mandon a notamment indiqué son souhait, dès sa nomination, d’ouvrir des places spécifiques aux docteurs dans les concours de la haute fonction publique. Cette perspective, aussi modeste soit-elle, n’enchante guère les hauts fonctionnaires. Dans le privé, M. Mandon a annoncé dans L’Express du 29 septembre, la mise en œuvre d’un plan «jeunes docteurs»dans le but de «doubler le nombre de docteurs embauchés par le secteur privé d’ici deux ans». Une cinquantaine de «parrains-ambassadeurs», chefs d’entreprise à la retraite, vont être chargés de «vendre» les docteurs dans le privé. Et le nombre de doctorants dont le contrat est cofinancé par les entreprises, par le biais des conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre), doit augmenter de 4200 cette année à 5000 en2016.
Modestes, ces mesures montrent combien le sujet est sensible. La refonte du doctorat, qui devait entrer en vigueur en 2015, a été reportée à 2016. Un arrêté devait actualiser les textes réglementaires mais la fuite du projet, en avril, a provoqué son retrait: beaucoup d’acteurs du supérieur redoutaient la délivrance d’un diplôme au rabais. La validation des acquis de l’expérience (VAE) y était envisagée sans beaucoup de précaution, négligeant de préciser la nécessité de réaliser des travaux de recherche originaux… La refonte de l’arrêté est donc repoussée, sans doute à la fin du premier trimestre 2016. Comme l’actualisation du décret qui régit le contrat doctoral, notamment pour ouvrir la possibilité de concilier recherche doctorale et activité.
«Il faut valoriser le doctorat comme un diplôme professionnel mais sans porter atteinte à sa plus-value scientifique: les recherches doivent être dirigées et évaluées par des professeurs habilités», plaide Olivier Nay, président de la section science politique du Conseil national des universités et vice-président de sa commission permanente. Se voulant néanmoins «réaliste», M. Nay juge à terme «inévitable» de consentir à des aménagements: «L’université peut retrouver sa splendeur passée qui a été détruite par les grandes écoles, et fournir des contingents de personnes de haut niveau reconnues: il n’y a pas que l’ENA et l’X qui sont aptes àformer des élites.» Pour distinguer les titulaires de doctorat, M. Nay suggère de décerner des mentions spéciales avec le diplôme, comme l’aptitude à devenir enseignant-chercheur, ou à présenter son travail à un prix de recherche. Le débat – sensible – reste ouvert.
Source : LE MONDE.FR | 14.10.2015 | Par Adrien de Tricornot
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- Écrit par CIIRI
Entretien réalisé depuis Gizeh par notre envoyée spéciale Aline Kiner.
La mission Scan Pyramids a été officiellement lancée au Caire le dimanche 25 octobre 2015 : le récit de notre envoyée spéciale Aline Kiner est à lire à cette adresse. Cette opération technologique exceptionnelle percera-t-elle le secret des pyramides, dont nul ne sait encore aujourd'hui comment les anciens Egyptiens les ont construites ? L'attente est forte, d'autant plus que le ministre des Antiquités égyptiennes Mamdouh Eldamaty a annoncé qu'il reviendra à l'institut français HIP et la faculté des ingénieurs du Caire de réaliser une thermographie infrarouge de la tombe de Toutankhamon.
Sciences et Avenir : Vous êtes, avec la faculté des ingénieurs de l’université du Caire, co–initiateur et coordinateur de la mission Scan Pyramids, Comment est né ce projet ?
Mehdi Tayoubi :C’est une histoire de rencontres. Il y a dix ans, j’ai monté une équipe, chez Dassault Systèmes, dont la stratégie était d’utiliser les ressources de la 3D et de la simulation, habituellement réservées au monde industriel, pour développer des projets apparemment très éloignés de notre cœur de métier.
J’étais convaincu qu’il fallait amener les ingénieurs à sortir de leurs problématiques traditionnelles pour provoquer de l’innovation. Et donc les faire travailler sur des sujets culturels, et universels, qui parlent à tout le monde. Nous nous sommes associés à des auteurs de bande dessinée, comme Enki Bilal, des danseurs contemporains, comme Marie-Claude Pietragalla, des historiens, des metteurs en scènes. Nous avons conçu avec Luc Besson un prototype de la salle de cinéma du futur qui, en plus d’être immersive, serait interactive, collaboré avec François Schuiten pour créer une bande dessinée augmentée ou imaginer Paris en 2150…
Quel rapport avec l’Egypte ?
De tous nos projets, le premier en 2005 fut la simulation du chantier de construction de la pyramide de Kheops selon l’architecte Jean-Pierre Houdin. J’ai eu, ensuite, la chance de rencontrer Peter Der Manuelian, égyptologue à l’université d’Harvard et initiateur d’un projet de numérisation de l’ensemble des archives des expéditions de l’égyptologue américain George Reisner (1867–1942). Il s’est montré très enthousiaste face à notre méthode, qui permettait de dépasser les clivages entre disciplines.
Après tout, les anciens constructeurs égyptiens eux–mêmes étaient à la fois des astronomes, des ingénieurs, des architectes, des chefs de chantier, des experts en logistique et en matériaux… Avec Peter, durant cinq ans, nous avons reconstitué très précisément le plateau de Gizeh tel qu’il était il y a 4500 ans, et tous ses monuments, pyramides, tombes, mastabas… Mais à l’époque déjà, l’envie de passer du virtuel au réel nous titillait. Nous en avons eu l’occasion lors de la mission Djedi, en 2010, une collaboration avec l’université de Leeds et le docteur Zahi Hawass pour concevoir et mettre en œuvre un robot capable d’explorer les conduits de la chambre dite de la Reine à Kheops.
Mais pourquoi créer cet institut HIP ?
Nous avons très vite pris conscience que le passage du virtuel au réel nécessitait d’intégrer de nouvelles technologies, et d’autres partenaires. En plus de Dassault Systèmes, nous avons déjà obtenu le soutien de Schneider Electrics et Parrot. Mais bien sûr nous espérons que d’autres entreprises audacieuses nous rejoindrons, avec leurs propres compétences. Au final, l’idée forte est de partager le plus largement possible les connaissances, et de les proposer en accès libre. La création d’une structure d’intérêt général à but non lucratif, à l’image de la fondation Mozilla pour le Web, paraissait la meilleure solution. L’institut HIP est véritablement une structure d’action, liée au patrimoine, plus spécifiquement au patrimoine égyptien, un terrain d’exploration et donc d’innovation infini.
Source : sciencesetavenir.fr/ Par Aline Kiner / le 25-10-2015
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- Écrit par CIIRI
Poussé par un instinct de survie, inassouvi dans sa propre patrie, le migrant s’en va s’incruster dans des paysages et des territoires inconnus et pénètre ainsi la quiétude de leurs occupants par effraction. Il y suscite la crainte et peu de compassion. Il dérange plus qu’il ne rassure. On exhibe sa dangerosité sur l’identité, sur la sécurité, et on ne révèle que les aspects les plus déviants de sa personnalité, excepté sa qualité d’humain. C’est à la fois Cerbère et Chimère, c’est le Minotaure, ces monstres de la mythologie grecque bien ancrée dans l’imaginaire occidental.
En s’imposant de la sorte, par effraction et massivement, le migrant impose à la vieille Europe un dilemme cornélien : reconnaître son humanité, et donc lui apporter aide et assistance, ou le déshumaniser, pour mieux restreindre sa liberté de mouvement et tuer son espérance. A Berlin on chante "Cry for Love", partout on pleure la mort de l’enfant syrien, mais dans l’espace Schengen on dresse des barrières de fils de fer et on produit des lois restrictives et inhumaines.
Le chemin que l’espèce humaine a parcouru de l’« Homo Naledi » (découverte archéologique, près de Johannesburg) à "Cry for Love" (chant antinazi) est en effet long, épineux et incertain. La courbe de l’évolution de cette espèce est instable. Aux pointes de progrès et de civilisations se succédèrent des descentes aux enfers (guerres, génocides, tueries et destructions…), toujours par le fait de l’homme.
Evidemment, dans l’absolu, l’espèce humaine partage des « spécificités » qui la distinguent de l’espèce animale. Mais, par-delà, l’homme a prouvé qu’il était capable de se transformer en animal féroce pour ses semblables. Il peut même, sous couvert de la science, devenir un pourfendeur acharné du genre humain.
Avant même l'arrivée d’Hitler et du Parti Nazi au pouvoir des courants de pensée ethnocentristes et eugénistes (« l’enfant parfait », la « race pure ») ont légitimé, scientifiquement, l’impensable. Ils ont renié jusqu’à la qualité d’Homme à des groupes humains en raison de leur origine et la couleur de leur peau. Le culturalisme a refusé, à des fins de domination et de colonialisme, jusqu’au « statut d’humain » à des peuples en raison de leurs pratiques et traditions culturelles.
C’est cette conception, réductrice et exclusive, de l’humain et cette approche prétendument scientifique qui nourrissent aujourd’hui les extrémistes, les xénophobes et les populistes de tous bords : de Jobbik (Hongrie) au Parti pour la liberté (Partij voor de Vrijheid, Pays Bas) en passant par le Front National (France), Le NPD (Parti National Démocratique Allemand) ou encore Le British National Party (BNP, Parti National Britannique).
Ce sont ces groupuscules extrémistes européens, promoteurs des thèses eugénistes et culturalistes, qui sont aujourd’hui en premières lignes contre l’accueil des migrants. Ce sont leurs idées xénophobes et islamophobes qui alimentent les débats et ce sont leurs scores électoraux qui influent sur le jeu, les décisions et les calculs politiques.
Et ce n’est pas faute d’avoir essayé de les combattre. Mais « chassez le naturel il revient au galop »…
Près de Johannesburg (Afrique du Sud), une équipe de chercheurs de l’Université de Witwatersrand vient de faire une découverte scientifique « inestimable » qui rappelle ce que le genre humain a en commun : un ancêtre. Cette découverte (Grottes de Rising Star), d’un « Homo Naledi » avec « un cerveau de la taille d’une orange, petit mais costaud », apporte un démenti absolu à leurs idées et thèses ethnocentristes.
A Berlin, le groupe Punk les « Docteurs » (Die Ärtze), ressuscite un chant antinazi, "Cry for Love", de 1993, et en fait un Hymne repris par les Berlinois en l’honneur des réfugiés. Mais, près de Munich, à Dachau, c’est l’annexe d’un ancien camp de concentration nazi qui est proposée aux réfugiés comme lieu d’accueil. En Hongrie, à Roszke, une journaliste (de la chaîne N1TV), Petra Laszo, nostalgique de l’époque nazie, les idées du parti extrémiste « Jobbik » en bandoulière, s’amuse gaiement à faire des croche-pieds à des migrants malmenés par des policiers à la matraque facile.
A Londres, au pays de Thomas Hobbs (1588-1679) et de John Locke (1632-1704), du bord de la Tamise, du Palais de Westminster, le fameux Big Ben (Clock Tower), imperturbable, continue à sonner les heures. Mais vaine attitude et inutile indifférence. Ni la "sécurisation" renforcée du port, des plateformes et du terminal de Calais, ni les 4,7 millions d'euros débloqués par Londres pour l’installation des barricades et de fils barbelés, n’entameront la volonté de ces milliers de migrants qui tentent la traversée de la Manche.
En France, l’extrême droite (FN) agite le même chiffon rouge, qui a fait son bonheur électoral, pour attiser la peur du migrant. Sa présidente évoque la «submersion migratoire » et glose sur la menace « islamiste » et les risques de l’immigration sur l’identité nationale. A Paris, la droite et la gauche parlementaires, minées par leurs divisions internes, les yeux rivés sur les régionales et 2017, s’ingénient à vendre l’hypothèse de la présence de «terroristes de Daesh » parmi les réfugiés et à s’activent pour dénigrer la décision de la Chancelière Allemande de les accueillir sur son sol.
Du côté du Golfe et des pays arabes ? « Tout va très bien Madame la Marquise ». Silence assourdissant et indifférence coupable. Visiblement, « ces gens-là » (J.Brel) n’ont cure du sort de ces migrants rejetés par l’Europe comme des pestiférés, et humiliés devant la face du monde. Ces « gens-là » n’ont cure de la situation de ceux (plus de 4 millions) qui croupissent dans leur voisinage, dans les camps de réfugiés installés au Liban, en Turquie et en Jordanie, où tout est désolation et misère.
L’aide et l’espoir (Des fonds pour ces 3 pays et pour le Programme alimentaire mondial) que peuvent espérer aujourd’hui ces déplacés et ces persécutés, viendront surtout du Nord, du côté de Bruxelles.
Lorsque le philosophe adressa cette supplique à qui de droit : « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge !" (Citation attribuée à Voltaire, 1694-1778), il avait certainement de bonnes raisons de le faire. A méditer.
Mohammed MRAIZIKA
(Docteur en Sciences Sociales, Consultant en Ingénierie Culturelle)
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- Écrit par Dr. Mohammed MRAIZIKA : Chercheur en Sciences Sociales et en Ingénierie Culturelle
Dans le ventre creux d’un Ferry dont la compagnie exhibe fièrement son âge, 1906-2006, des bâches bleues à perte de vue dépassent des toits de centaines de voitures, comme des champignons informes. Posés dessus, à l’instar des scellés d’huissier, des pneus ou des chaises leur assurent une solide amarre.
Dans les différents niveaux du Ferry, une foule fatiguée, endormie, s’est répandue dans tous les travers. Des enfants, un peu remuants, questionnant leur père en néerlandais, s’approchent de leur mère, un peu agacée, qui leur répond en berbère. A l’opposé, un groupe de personnes cherchent obstinément un endroit pour faire la prière après avoir fait leurs ablutions dans un lavabo installé dans les WC à plus d’un mètre de hauteur. A quelques mètres de là, de jeunes garçons, attablés devant quelques bières brunes et des tasses de café, n’y prêtent aucune attention. Une femme en habit traditionnel, assise sur une vieille couverture, donne quelques consignes à deux jeunes filles, le nombril bien en vue et le MP3 bien accroché aux oreilles. Une file d’attente s’est vite formée devant le kiosque (duty-free) où les plus rapides se disputent déjà les derniers flacons de parfum. Les plus sages, ceux qui voient encore défiler devant leurs yeux et dans leurs têtes les centaines de kilomètres d’autoroute parcourus depuis Amsterdam, Bruxelles ou Paris, sont allongés à même le parquet pour gagner quelques minutes de sommeil.
Ce mélange étonnant de bâches bleues et de galeries design, de Mercedes dernier modèle et de voitures qui ont traîné leurs carcasses fatiguées sur les chaussées d’Europe, de langues et de comportements différents, forme un surprenant tableau qui symbolise parfaitement cette diversité culturelle et se pluralisme qui caractérisent notre communauté établie à l’étranger.
La première question qui m’est venue à l’esprit est : pourquoi une bâche bleue ? D’autres couleurs peuvent faire aussi bien l’affaire ? Une galerie serait plus discrète et plus pratique qu’une bâche ? Des dizaines de réponses se sont bousculées dans ma tête harassée par des heures de conduite. Mais aucune ne me convenait.
La couleur bleue, me dis-je, après avoir grignoté quelques minutes de sommeil, est peut-être celle qui rend le mieux compte de notre histoire d’immigrés si ancienne et si particulière. Le bleu n’est-il pas la couleur de cette méditerranée qui a englouti tant de jeunes marocains à la recherche d’un « Eldorado » ? N’est-il pas la couleur du ciel de ce mois d’août qui enregistre de nouveaux records d’affluence (passagers et devises) ? Le bleu c’est aussi la couleur des yeux de cette jeune femme belge au bras de son époux marocain nouvellement régularisé, qui rentre chez lui après plus de 8 années d’absence : « J’ai beaucoup ramé et souffert » me dit-il, « mais aujourd’hui, alhamdou lilah, je suis bien » (traduit de l’arabe).
Devant ce témoignage qui me rappelle tant d’autres et face à ce mélange magnifique, tant et tant de choses que j’aurais aimé cerner, comprendre et exprimer sont restées sans réponse. Mais, une chose est sûre, je ne savais pas comment rendre hommage à ce jeune au bras de sa femme belge qui guète avec impatience les rivages marocains qu’il a quittés d’une autre manière et qui rêve de serrer dans ses bras ses vieux parents, ni comment dire toute mon admiration à tous ces concitoyens qui bravent chaque année, avec la même volonté et le même désir, toutes les contraintes du temps et de l’espace, du réel et du virtuel, pour réaliser un « double transit » unique en son genre. C’est ce retour à « la mère patrie » ou « giron familiale » qui relève d’un sentiment indescriptible, qui représente sans doute le mieux aujourd’hui le symbole le plus parfait de cet attachement indéfectible des marocains à leur pays d’origine, à leurs racines linguistiques et culturelles et à leurs institutions.
Je veux leur dire ici, bien que les mots me manquent, que je les admire et que je les aime avec leur bâche bleue qui couvre humblement et sûrement tant de souvenirs, d’histoires particulières et d’objets insolites. Je voudrais aussi leur dire : ne prêtez pas trop d’attention à ces choses qui vous ont gênés, étonnés ou mis en colère durant votre séjour :
Toutes ces moqueries, ces plaisanteries à deux sous, ces chantages honteux et ces tracasseries administratives douteuses que vous subissez chaque année avec patience et philosophie ne doivent pas vous faire oublier l’essentiel. Car, le plus important, ce qui compte et comptera toujours, ce qui demeura éternel et que personne ne pourra jamais vous enlever, ni le douanier ou le policier qui vous harcèle, ni le proche qui accapare votre bien, fruit de tant d’années de labeur et d’économie, c’est votre amour inconditionnel de ce pays merveilleux et cette terre bénie, c’est votre attachement profond et sincère à vos institutions suprêmes, à votre langue, à votre religion et à votre culture.
Soyez-en sûrs, un jour viendra où vous serez appréciés à votre juste valeur, où votre contribution au progrès économique et humain de votre pays sera réellement reconnue, où vos droits civiques (Constitution de 2011) seront respectés.
Ayez confiance en ce pays éternel qui attend beaucoup de vous pour relever ses énormes défis (égalité économique et sociale, justice, équité, modernité, liberté, solidarité). Il est et vous sera toujours et à jamais reconnaissant.
Dr. Mohammed MRAIZIKA : Chercheur en Sciences Sociales et en Ingénierie Culturelle (ce texte a été publié à Paris le 6 septembre 2006, réédité en 2011 et vu plus de 65000 fois/ l’Internet)
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Des climatologues ont montré comment des changements de température dans l’hémisphère Nord ont provoqué une rapide aridification du Sahara il y a près de 5000ans.
Au milieu du XIXe siècle, lors d’un trajet entre Tripoli et Tombouctou, l’explorateur allemand Heinrich Barth découvrit des peintures et des gravures sur rochers figurant des scènes de chasse et des animaux. Ces traces, datées d’il y a 11 000 à 5 500 ans, témoignent d’une époque où le Sahara était bien différent d’aujourd’hui. En effet, le désert actuel était alors couvert d’une végétation tropicale et de fleuves : le Sahara était « vert ». Cependant, il y a environ 5 500 ans, la région a connu une aridification extrêmement rapide, laissant la place au désert tel que nous le connaissons aujourd’hui. Une équipe internationale, dont fait partie Thibaut Caley, du laboratoire EPOC (CNRS et université de Bordeaux), a mis en évidence le rôle d’une baisse des températures dans les hautes latitudes de l’hémisphère Nord dans la disparition du Sahara vert.
Précédée et suivie de conditions climatiques arides, cette période humide africaine qui a duré environ 6 000 ans a été exceptionnelle. Sa fin est cependant mal connue, notamment la rapidité et la synchronicité de l’aridification à toute la région du Sahara et du Sahel. Pour clarifier cette question, Thibaut Caley et ses collègues ont d’abord analysé des sédiments marins dans le golfe de Guinée. Ils se sont surtout intéressés à la cire qui couvre les feuilles des plantes et que l’on retrouve dans les dépôts sédimentaires. La composition en isotopes stables de l’hydrogène de ces cires permet de reconstruire l’intensité du cycle hydrologique (cette composition peut être reliée à la composition de l’eau de pluie utilisée par les plantes). Grâce à cet indicateur, les chercheurs ont montré que les précipitations ont fortement diminué il y a entre 5 800 et 4 800 ans dans la région du Cameroun et dans le centre du Sahel-Sahara. Une observation similaire a été établie dans le nord-est de l’Afrique, attestant d’un phénomène global. Par ailleurs, la baisse du niveau du lac Tchad d’une centaine de mètres vers 5 200 ans et l’augmentation des poussières dans le nord-ouest de l’Afrique vers 5 500 ans sont aussi des signes d’une grande sécheresse.
Pour comprendre ce qui s’est passé, les chercheurs ont étudié les phénomènes atmosphériques qui jouent sur l’apport d’humidité dans la région. Les sources d’humidité pour le Sahel et le Sahara sont, d’une part, l’océan Atlantique et, d’autre part, la mousson venant d’Afrique centrale. Les volumes de précipitations ainsi que leur caractère saisonnier sont modulés par deux courants atmosphériques, le jet d’est tropical (TEJ) et le jet d’est africain (AEJ). Le premier évolue à haute altitude et près de l’équateur tandis que le second se situe à plus basse altitude mais plus au nord. Si le TEJ ralentit, les conditions sont plus arides et, inversement, un AEJ plus fort provoque des conditions sèches.
Mais quel phénomène a pu perturber le TEJ et l’AEJ de sorte à provoquer l’aridification du Sahara vert ? Cela pourrait être à chercher dans les hautes latitudes de l’hémisphère Nord. En effet, de nombreux indicateurs montrent que les températures estivales dans la région s’étendant du Groenland à la mer de Norvège auraient baissé il y a entre 6 000 et 5 000 ans. Cela pourrait être dû à un ralentissement des courants dans l’océan Atlantique qui ramènent de l’eau chaude et salée des basses latitudes vers le Nord (on parle de circulation thermohaline) ou à une expansion du vortex polaire de l’hémisphère Nord, qui apporte du vent froid plus au Sud.
Pour comprendre comment ce phénomène a pu influer sur les conditions climatiques au Sahara, les chercheurs ont utilisé un modèle numérique du climat qui reproduit les conditions de l’époque avec un refroidissement, de 0,5 °C à 2,5 °C, de l’Atlantique Nord. Les chercheurs ont montré que les anomalies de température se manifestent alors jusqu’au nord de l'Afrique, ce qui a pour conséquence de ralentir le TEJ, réduisant les précipitations. Par ailleurs, la baisse des températures au sol dans le Sahara bloque aussi la remontée vers le nord de la mousson, conduisant à une baisse des précipitations dans le Sahel. Les chercheurs ont aussi montré que ces conditions ont renforcé l’AEJ, accentuant encore une fois l’aridification de la région.
Ainsi, une variation de température aux hautes latitudes de l’hémisphère Nord pourrait avoir déclenché un effet en cascade avec des rétroactions qui ont finalement conduit à la disparition du Sahara vert. De façon plus générale, comme le souligne Thibaut Caley, « ces travaux confortent également l’hypothèse selon laquelle les changements futurs de température dans les hautes latitudes de l’hémisphère Nord pourraient avoir d’importantes répercussions sur le cycle hydrologique saharien et par conséquent sur les populations de cette région. »
Source : pourlascience.fr/Par : Sean Bailly/ 20-12-2016