Des chercheurs chinois ont introduit une modification dans des embryons humains (ici, à 4 jours) pour leur conférer une résistance au VIH, le virus du sida. – Ph. Duncan Hull / Flickr / CC BY 2.0
L’annonce est de celles qui ravivent un débat déjà brûlant. Une équipe chinoise, la deuxième en un an, rapporte avoir modifié des embryons humains, à l’aide de la technique d'”édition génétique” CRISPR/Cas9. Comme nous vous en parlions dans Science&Vie n°1180, ce nouvel outil de bricolage génétique ouvre des frontières inouïes en biologie, permettant de “copier-coller” aisément les gènes.
Le but de la manip controversée réalisée en Chine ? Introduire dans les embryons humains une parade contre le VIH, le virus du sida. Celui-ci s’attaque aux cellules immunitaires par le biais d’un récepteur présent à leur surface appelé CCR5. Mais chez les rares personnes résistantes à la maladie, ce récepteur ne fonctionne pas : le gène qui l’encode possède une mutation qui le “casse”.
En remplaçant dans des embryons le gène normal par une version “cassée”, les chercheurs de l’université de Guangzhou voulaient briser la serrure dont le VIH détient la clé pour infecter notre organisme. Ce qui leur permettrait ainsi à la fois de gagner plus de connaissances sur les mécanismes d’infection du sida et tester directement la technique CRISPR sur des embryons humains.
L’expérience n’est pas un franc succès
Résultat : la modification obtenue n’est qu’un succès partiel, comme le détaille un article paru ce 6 avril dans la revue Journal of assisted reproduction and genetics. Sur 26 embryons “édités” génétiquement, seuls 4 contenaient au final une version inopérante du gène CCR5. Et ce, seulement sur une partie des différentes copies de ce gène, qui dans notre génome est présent sur plusieurs chromosomes.
Au-delà de ce cas particulier, d’autres équipes travaillent en Chine sur l’édition génétique d’embryons humains. En avril 2015, une première publication dans la revue scientifique chinoise Protein & Cell faisait état de telles expériences, visant à l’époque à modifier le gène codant pour l’hémoglobine humaine afin de soigner la thalassémie, une maladie génétique.
La communauté scientifique recommande ne pas implanter dans un utérus les embryons humains génétiquement modifiés
Dans les deux cas, les embryons utilisés par les généticiens chinois provenaient de dons effectués par des couples ayant recouru à une fertilisation in vitro pour concevoir des enfants. Non viables, ces embryons n’avaient pas pu être implantés chez la mère car ils contenaient des chromosomes surnuméraires (en trop).
Ce type de recherches divise toujours la communauté des chercheurs. Les équipes chinoises, après avoir terminé les analyses, ont toutes deux détruit les embryons génétiquement modifiés. Ce qui est conforme à la résolution prise lors d’un sommet international sur le sujet en décembre 2015, comme le rapporte la revue américaine Science sur son site.
À l’issue de cette conférence, les chercheurs se sont mis d’accord sur le fait qu’aucun embryon humain génétiquement modifié ne doit être implanté dans l’utérus d’une femme afin de s’y développer. Pour autant, ils ne se sont pas prononcés pour l’arrêt des recherches fondamentales sur ce sujet. L’enjeu est en effet énorme : modifier génétiquement des embryons humains et la voie royale pour avancer dans la compréhension du développement humain. Avec l’espoir de pouvoir traiter les nombreuses maladies issues de défauts dans ce processus.
C’est d’ailleurs l’objet des toutes premières recherches d’édition génétique à avoir été autorisées en Occident sur les embryons humains : au Royaume-Uni, un laboratoire les utilise pour étudier les raisons des fausses-couches.
Source : science-et-vie.com/12-4-2016/ Par : Fiorenza Gracci