Au-delà de la création de la 5e branche de la sécurité sociale, les enjeux de la prise en charge du grand âge et de la démographie déclinante des personnels soignants restent prégnants. Il est urgent de ne pas rester au milieu du gué.
Le constat est sans appel. Sans un changement radical de leur prise en charge, nous ne pourrons plus soigner les personnes âgées en situation de fragilité sanitaire. Or, autant le dire tout cru, une société qui abandonne ses anciens s’apparente à une barbarie des plus sordides. Des facteurs démographiques se mêlent à des problèmes de compétences pour engendrer un déficit d’accompagnement efficace et digne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : à l’horizon 2050, le nombre de personnes de plus de 85 ans aura été multiplié par trois avec plus de six millions d’individus et le nombre de personnes âgées dépendantes dépassera les 1,5 million en France. Face à des besoins croissants, le nombre stagnant de médecins, dont un sur trois a aujourd’hui plus de 60 ans, ne suffira pas à assurer les prestations requises, notamment chez les spécialistes, concentrés dans les grandes métropoles urbaines et qui ne se déplacent quasiment plus.
Malgré la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à la perte d’autonomie, le choix a été fait de territorialiser les politiques publiques, créant des différences notables entre les secteurs géographiques. De surcroît, les financements octroyés reposent sur des appels à projets, source de crédits éphémères.
Transformer les métiers de la santé
Si le plan Innovation Santé 2030 ouvre la voie au remboursement de certains actes de télémédecine ou de dispositifs connectés, l’outil n’est rien sans celles et ceux qui le manient au contact des patients. L’usage et la pratique du numérique ne convient pas à un personnel qui manque déjà de temps, change fréquemment de situation faute de valorisation, et est mal ou pas formé à ces techniques numérisées.
Faut-il désespérer? Certes, non! Mais à la condition expresse d’une transformation copernicienne des métiers de la santé et du soin. Il existe heureusement des forces sur lesquelles s’appuyer: le financement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a été renforcé via l’affectation d’une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG), mais surtout, nous pouvons compter sur les infirmiers qui seront près de 900000 en France d’ici 2040. Ces professionnels soignants, compétents et responsables, à la condition d’être équipés de matériels connectés mobiles sur tout le territoire, assureront les actes infirmiers et certains actes médicaux au quotidien, restant en contact avec les médecins généralistes et spécialistes par télémédecine.
Cette collaboration inestimable est seule en capacité de répondre aux besoins des personnes isolées et des plus fragiles, en EHPAD ou à domicile selon les situations de vie. Ces personnels se déplaceront, facilitant d’autant l’accès à des expertises jusque-là impossibles à atteindre, parce que trop lointaines ou trop rares.
Le temps n’est plus à tergiverser
Ce futur souhaitable est déjà expérimenté ici ou là, mais au compte-goutte. Les infirmiers mobiles de télémédecine sont capables aujourd’hui en une journée d’assurer dans les établissements vingt à trente actes de spécialité via la téléexpertise ou la télémédecine : dermatologie, ORL, cardiologie, bucco-dentaire… et d’autres filières demain. L’enjeu, sanitaire, économique et social est tel, qu’il n’est plus temps de tergiverser pour savoir « qui est le chef », qui décide et qui doit agir, avec qui et à quel moment de la chaîne sanitaire? La transformation numérique offre des solutions déjà expérimentées à impact immédiat dans un partage d’expériences inégalé.
Organisons des journées de dépistage et de prévention qui peuvent tout changer pour les personnes vulnérables. Le personnel soignant et les médecins pourront, ensemble, assurer ce service de qualité dans une prise en charge homogène sur la totalité du territoire national en transformant les déserts médicaux en territoires d’innovation et d’exemplarité sanitaire, notamment dans la capacité à répondre plus rapidement et précisément que bon nombre de secteurs plus urbanisés, aux besoins des patients.
Créer des parcours de prévention, pérenniser les journées de suivi médical des plus âgés en situation de difficulté sanitaire avec le corps des infirmiers, accessibles à tous et mobilisable de façon souple et rapide. Voilà l’enjeu sociétal que nous devons relever en respectant celles et ceux qui œuvrent pour le bien de toutes les générations qui les suivent.
Publié : opinion-internationale.com/2021/11/29 / Par Laurent SCHMOLL, chirurgien ORL fondateur de TokTokDoc et Guy VALLANCIEN membre de l’académie de médecine, président de CHAM