Débat
Des fossiles d'homme anatomiquement moderne découverte à Jebel Ihroud, au Maroc, confirment l’origine africaine de notre lignée et révèlent qu’elle est bien plus ancienne que ce que l’on pensait.
Dans le registre fossile actuel, les plus anciens Homo sapiens connus – Omo 1 et Omo 2 – étaient éthiopiens et vieux d’environ 200 000 ans. Des « petits jeunes » comparés aux nouveaux doyens de notre lignée : les fossiles d'hommes modernes découverts et datés par l’équipe de Jean-Jacques Hublin, de l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste, à Leipzig, sont au moins 100 000 ans plus vieux.
Ces fossiles, et une série d’autres découverts précédemment au même endroit mais mal datés, proviennent du site marocain du Jebel Ihroud. Dès 1961, les exploitants d’une mine de barytine y avaient découvert un crâne humain quasi complet. Plus tard, une boîte crânienne fragmentaire et une machoire inférieure d’enfant avaient été trouvés dans le même site. Ces fossiles étaient associés à des restes de faune et à des outils de pierre débités par la méthode Levallois, caractéristique du Paléolithique moyen. Toutefois, même s’ils rapportèrent les avoir découvert à la base du matériau remplissant la grotte, leurs découvreurs estimèrent que ces fossiles ne pouvaient dater de plus de 40 000 ans. Et, étant donné que les préhistoriens croyaient alors à l’existence d’une population néandertalienne en Afrique du Nord, ces restes humains furent attribués à cette espèce sœur de la nôtre.
Depuis, notre vision de l’évolution du genre Homo a beaucoup évolué : l’origine exclusivement européenne des néandertaliens et leur confinement à l’Eurasie ont été établis. Dès lors, il fallait réévaluer les fossiles de Jebel Ihroud, projet que Jean-Jacques Hublin a lancé en convainquant son collègue Abdelouahed Ben-Ncer, de l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine à Rabat, au Maroc, de relancer l’étude du site. En 2004, de nouvelles fouilles sont entreprises dans la petite zone du site laissée de côté dans les années 1960. En analysant les strates de ce dépôt détritique solidifé, les chercheurs y ont mis au jour de nombreux restes de faune (gazelle, léopard, zèbres, bovidés, lions,…). Le fait qu’ils ne portent pas de traces de morsures de carnivores et leur association à des outils de pierre Levallois (pointes, éclats retouchés,…) suggère qu’ils ont été amenés là par l’homme. Cela semble d’autant plus plausible que les chercheurs ont aussi découvert une boîte crânienne humaine déformée par les mouvements de terrain (voir l'image ci-dessus) et accompagnées de plusieurs restes de la face, une mandibule quasi complète d’adulte, plusieurs éléments post crâniens et toute une série de dents. Les fossiles trouvés dans les années 1960 provenaient sans doute de la même strate. L’ensemble de ces restes représente au moins cinq individus : trois adultes, un adolescent et un enfant. Or la datation de la strate par la méthode de la thermoluminescence indique un âge de 315 000 ans (à 30 000 ans près). Confirmée par une autre méthode (la datatation par résonance de spin électronique ou ESR), cette date fait de ces restes les plus anciens fossiles d'Homo sapiens connus à ce jour.
Malgré leur caractère clairement sapiens, l'examen de ces fossiles révèle nombre de traits archaïques. Les plus évidents sont une forme de l’encéphale assez différente de celle des Homo sapiens récents et, pour l’un des crânes, des arcades sourcilières proéminentes. Toutefois, ce caractère éminemment archaïque pourrait avoir été déjà en voie de disparition, puisque, notent les chercheurs, ces arcades sont relativement petites par rapport à celles d’Homo neanderthalensis ou d’Homo heidelbergensis, l’ancêtre commun supposé des hommes modernes et des néandertaliens. Cette réduction des arcades s’accompagne d'une tendance au redressement du front qui, chez les humains du Jebel Ihroud comme chez tous les Homo sapiens, positionne la face à l'aplomb du front et non plus en avant. Plus gracile que celle d’un néandertalien, la face des hommes du Jebel Ihroud est aussi relativement courte. Ces caractéristiques et d’autres, notamment celles des dents et de la mandibule, suffisent à placer les individus du Jebel Ihroud parmi les Homo sapiens.
Pour s'en assurer, les chercheurs se sont toutefois livrés à une analyse morphométrique 3D, une technique statistique qui permet, après avoir mesuré de nombreux traits, de représenter les diverses formes anatomiques par des points dans un espace abstrait. Il en ressort que nos ancêtres de Jebel Ihroud se distinguent bien des néandertaliens ou des formes humaines anciennes (H. heidelbergensis notamment). Leurs caractéristiques faciales se placent au milieu du nuage de points correspondant aux hommes actuels et celles de leurs crânes parmi les fossiles d'Homo sapiens anciens et récents.
Pour autant, les chercheurs constatent qu’une certaine diversité règne parmi les formes anciennes d’Homo sapiens en Afrique. Les fossiles du Jebel Ihroud peuvent être rapprochés de ceux de Omo 1 et 2 (195 000 ans, Éthiopie) et de celui de Florisbad (259 000 ans, Afrique du Sud), un crâne au statut incertain, mais qui passe pour appartenir à Homo sapiens pour certains paléoanthropologues. Omo 2 vient par exemple se placer entre deux fossiles du Jebel Ihroud. Ainsi, certains des traits des fossiles de Jebel Ihroud se retrouvent en plusieurs endroits d’Afrique à des époques différentes. Ceci suggère une évolution d’Homo sapiens « en mosaïque » à l'échelle du continent (les différents traits sapiens ont évolué à des vitesses différentes suivant les régions). Une impression que confirme la circulation d'un bout à l'autre de l'Afrique d'un trait culturel : peu après 300 000 ans, les outils de pierre fabriqués par les hommes du Jebel Ihroud se rencontrent aussi en Afrique du sud et de l’est. Les chercheurs expliquent ce lien par un épisode climatique ayant entraîné une très forte réduction du Sahara il y a quelque 330 000 ans, rendant possible la circulation entre l’Afrique du nord et le reste du continent. Au final, les nouveaux fossiles marocains confirment que la différentiation de la forme humaine sapiens a bien eu lieu en Afrique et sur une vaste échelle de temps, puisqu’elle était déjà en marche il y a plus de 300 000 ans.
Source : pourlascience.fr/ 7 juin 2017/ Par : François Savatier
Quelles formes prennent les relations entre recherche scientifique et patrimoine ?
En 2016, cette question se pose dans un contexte marqué par trois évolutions majeures : d’une part, le patrimoine rassemble désormais dans les pratiques professionnelles comme dans les organisations institutionnelles des ensembles de métiers et de disciplines très divers ; d’autre part, le monde de l’enseignement supérieur a été profondément bouleversé par les réformes de la décennie écoulée, qui ont conduit à de nouveaux modes d’organisation et de financement de la recherche ; enfin, à l’interface de ces deux situations émerge dans nombre d’établissements et administrations culturels une fonction de pilotage de la recherche et de coordination scientifique.
Ce numéro de Culture et Recherche aborde la question en faisant alterner articles de synthèses, exemples pris dans des contextes variés, réflexions sur des problématiques en plein développement et points de vue de chercheurs de différentes disciplines. Pour tous ceux qui travaillent dans le monde du patrimoine ou qui s’y destinent, il se veut un outil de découverte et de questionnement.
Cette partition a été écrite par Franz Schubert en 1828, juste avant sa mort.
Près de 200 ans plus tard, des scientifiques allemands vont pouvoir confirmer son authenticité. Grâce à une méthode révolutionnaire, ils ont recherché la présence d’un filigrane incrusté dans le papier comme cela était d’usage au XIXe siècle.
Mais au lieu de sonder le papier avec un scanner traditionnel, les chercheurs utilisent une lumière à infrarouge, appelée aussi radiation thermique, qui n’est pas obscurcie par l’encre ou les mauvaises colorations.
Le papier est placé entre une paroi chaude et un appareil photo à infrarouge. Et comme le filigrane a rendu le papier plus fin, la température y est différente. C’est ce que détecte l’infrarouge.
Plus d’un million de signatures récoltées dans une quinzaine de pays européens. C’est avec sa pétition pour interdire les néonicotinoïdes, les pesticides tueurs d’abeilles, que l’association Pollinis s’est installée au Parlement européen à Strasbourg, du 7 au 10 mars. Le but : sensibiliser les eurodéputés aux risques de l’utilisation de ces pesticides, notamment pour les abeilles. Nicolas Laarman, directeur général de Pollinis, s’en explique :
« Nous avons profité que tous les eurodéputés soient réunis en séance plénière pour venir à Strasbourg. Notre stand est très visible, nous espérons faire passer nos idées et élargir notre réseau de députés »
L’association milite pour accélérer la transition vers une agriculture durable, respectueuse de l’environnement et des pollinisateurs. « Nous voulons une interdiction pure et simple des néonicotinoïdes mais surtout que ce soit un levier pour changer le système agricole qui est aujourd’hui à bout de souffle », ajoute-t-il. Cette action est soutenue par l’eurodéputée suédoise Jytte Guteland, du parti européen S&D. « Nous sommes ici pour travailler l’opinion publique, mais nous faisons face à un mur d’intérêts et de lobbys », poursuit Nicolas Laarman.
Des substances actives retrouvées dans le pollen
Les néonicotinoïdes sont une famille de pesticides systémiques. Le traitement est généralement appliqué directement sur la semence des plantes. Ces dernières sécrètent alors le produit toxique pendant toute leur croissance par la sève, mais des substances actives sont également retrouvées à l’état résiduel dans le nectar et le pollen, dont se nourrissent les abeilles.
Pour que ces substances soient mises sur le marché, elles ne doivent pas être létales pour les abeilles à doses résiduelles. Mais les néonicotinoïdes ont des effets sublétaux qui ne sont pas sans conséquence. « Les doses sublétales ont des effets sur le comportement des abeilles et notamment entraînent des troubles d’orientation, d’apprentissage et de mémorisation, explique Mickaël Henry, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique. Des études ont été faites montrant qu’il y a un lien entre l’effet sublétal et un risque de surmortalité. Par exemple, une abeille relâchée en plein champs ne retrouve plus le chemin de sa ruche. »
« Les pollinisateurs, symbole des problèmes de l’agriculture »
Une suspension provisoire etpartielle est entrée en vigueur dans l’Union européenne en décembre 2013. Elle a restreint l’usage de trois molécules de néonicotinoïdes sur sept : le thiamethoxame, la clothianidine et l’imidaclopride. Cette interdiction concerne leur utilisation systémique sur le maïs, le tournesol et le colza. Mais les néonicotinoïdes peuvent toujours être utilisés sur les céréales d’hiver et les plantes réputées non mellifères.
« Le problème est que seule une petite partie de ces néonicotinoïdes est absorbée par la plante et le reste va dans le sol, donc on en retrouve des traces même dans les plantes non traitées », explique Nicolas Laarman. « Les pollinisateurs sont d’excellents symboles des problèmes de l’agriculture aujourd’hui. Je suis persuadé que les idées changent sur l’agriculture. Cela se passe déjà auprès du public, puis ce sera le tour des politiques. Les alternatives au système actuel sont l’avenir, j’en suis convaincu. Il y a de gros lobbies et de gros intérêts en jeu, mais cela vaut le coup de se battre », affirme le directeur général de Pollinis.
En France, la commission du développement durable de l’Assemblée nationale a adopté, mardi 8 mars, trois amendements au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité qui sera examiné en deuxième lecture à partir du 15 mars. Portés par des députés socialistes et écologistes, les nouvelles dispositions visent à interdire l’utilisation de néonicotinoïdes à partir du 1er janvier 2017.
Source : Le Monde.fr | 10.03.2016 | Par Constance Maria
Gouttières transparentes et bagues linguales connaissent un succès croissant chez des personnes de plus en plus sensibles à la beauté de leur sourire.
«Je n'aimais pas mon sourire ni mon menton alors à 27 ans, j'ai décidé de me faire poser des bagues. J'en avais envie depuis plusieurs années mais j'attendais d'avoir un emploi qui me le permette financièrement.» Comme Nadia, banquière à Bordeaux, les adultes sont de plus en plus nombreux à franchir la porte d'un cabinet d'orthodontie non pas pour accompagner leur enfant, mais pour eux-mêmes. Difficile d'évaluer l'ampleur du phénomène en l'absence de données de l'Assurance-maladie, l'orthodontie adulte n'étant pas prise en charge. Mais la tendance à la hausse est confirmée par tous les acteurs du secteur. Les spécialistes formés aux méthodes «invisibles» du type gouttières transparentes et bagues linguales fixées sur la face interne des dents, prisées par les adultes, estiment que cette patientèle a été multipliée par dix en une dizaine d'années, pour représenter 30 à 50 % de leur activité.
Imperceptibles de l'extérieur
C'est le perfectionnement des techniques invisibles au début des années 2000 qui a fait décoller l'orthodontie chez les adultes. Totalement imperceptibles de l'extérieur, les bagues linguales séduisent depuis la miniaturisation des «brackets», ces éléments collés sur la face interne de la dent, reliés entre eux par un arc métallique qui va exercer la force permettant de faire bouger les dents.
«Chaque appareil est fabriqué sur mesure par les laboratoires spécialisés avec lesquels nous travaillons, sur la base des empreintes et des directives que nous leur envoyons», explique le Dr Adrien Marinetti, président de la Société française d'orthodontie linguale (SFOL). «Cette méthode permet d'exercer une force différente sur chaque dent, et donc de mener un travail très précis.» Les spécialistes assurent que le dispositif gêne très peu celui qui le porte. La gouttière transparente est une alternative populaire. Elle consiste à enserrer les dents dans un sillon de plastique transparent d'un demi-millimètre d'épaisseur, à la manière d'un protège-dents de sportif. Amovible, il se fixe au moyen de rivets collés aux dents. De cette façon, le praticien s'assure que «l'aligneur», thermoformé aux mensurations du patient, forcera bien les dents à se redresser progressivement.
2000 à 8000 euros
L'orthodontiste travaille là encore avec une société extérieure, le leader sur le marché étant le californien Invisalign. Lors de la première consultation, le praticien fait une empreinte de la mâchoire du patient et l'envoie avec des annotations aux experts d'Invisalign, qui établissent un programme de traitement complet de deux ans en moyenne. Le patient reçoit une gouttière différente tous les 15 jours, chaque étape le rapprochant de l'alignement souhaité. L'appareil doit être porté 22 heures sur 24.
Chaque méthode a ses inconvénients: les gouttières ne sont pas imperceptibles à 100 %, elles se retirent pendant les repas et ne permettent pas de résoudre tous les problèmes. Le traitement, qui nécessite une assiduité sans faille, serait aussi un peu plus long. Les bagues linguales peuvent gêner au niveau de la langue et modifier légèrement l'élocution au début. Quant au coût financier, principal frein avancé par les candidats, il est sensiblement le même: de 2 000 à 8 000 euros au total, selon la complexité du cas.
«Pression sociale»
La motivation des patients est surtout esthétique. «La pression sociale est de plus en plus forte, surtout pour les femmes, mais on compte aussi beaucoup d'hommes. L'un de mes patients, qui est commercial, m'a dit que sa démarche avait été bien perçue par ses supérieurs, car cela montre qu'il soigne son apparence», explique le Dr Jean-Baptiste Kerbrat, chirurgien spécialisé en orthodontie (Pitié-Salpêtrière Paris/FFO). Mais on peut aussi consulter parce qu'on est gêné au quotidien: la mâchoire craque, les dents se heurtent, blessent les gencives, on a du mal à respirer par le nez… Il n'est pas rare que l'orthodontie nécessite une chirurgie préalable, pour élargir un palais ou avancer un menton, et ainsi faire coïncider les dents du haut et celles du bas.
«La chirurgie maxillo-faciale est bien plus confortable aujourd'hui , explique le Dr Kerbrat. Autrefois, il fallait garder la mâchoire bloquée pendant 6 semaines. Désormais, on peut ouvrir la bouche tout de suite car on utilise des petites plaques de titane pour consolider», explique le Dr Kerbrat. Compter 3 à 4 semaines d'arrêt de travail. Les spécialistes affirment qu'il n'y a pas de limite d'âge pour faire appel à l'orthodontie, d'autant qu'en vieillissant, les muscles s'affaissent et les dents bougent, ce qui conduit à des chevauchements. Mais «plus on intervient tôt, et plus le retour sur investissement est durable», note le Dr Coralie Fauquet-Roure (SFOL). «Des dents bien alignées ne seront pas seulement jolies: elles vont mieux vieillir.»
Source : lefigaro.fr/ 2015