EGYPTE

Entretien réalisé depuis Gizeh par notre envoyée spéciale Aline Kiner.

La mission Scan Pyramids a été officiellement lancée au Caire le dimanche 25 octobre 2015 : le récit de notre envoyée spéciale Aline Kiner est à lire à cette adresse. Cette opération technologique exceptionnelle percera-t-elle le secret des pyramides, dont nul ne sait encore aujourd'hui comment les anciens Egyptiens les ont construites ? L'attente est forte, d'autant plus que le ministre des Antiquités égyptiennes Mamdouh Eldamaty a annoncé qu'il reviendra à l'institut français HIP et la faculté des ingénieurs du Caire de réaliser une thermographie infrarouge de la tombe de Toutankhamon.

Sciences et Avenir : Vous êtes, avec la faculté des ingénieurs de l’université du Caire, co–initiateur et coordinateur de la mission Scan Pyramids, Comment est né ce projet ?

Mehdi Tayoubi :C’est une histoire de rencontres. Il y a dix ans, j’ai monté une équipe, chez Dassault Systèmes, dont la stratégie était d’utiliser les ressources de la 3D et de la simulation, habituellement réservées au monde industriel, pour développer des projets apparemment très éloignés de notre cœur de métier.

J’étais convaincu qu’il fallait amener les ingénieurs à sortir de leurs problématiques traditionnelles pour provoquer de l’innovation. Et donc les faire travailler sur des sujets culturels, et universels, qui parlent à tout le monde. Nous nous sommes associés à des auteurs de bande dessinée, comme Enki Bilal, des danseurs contemporains, comme Marie-Claude Pietragalla, des historiens, des metteurs en scènes. Nous avons conçu avec Luc Besson un prototype de la salle de cinéma du futur qui, en plus d’être immersive, serait interactive, collaboré avec François Schuiten pour créer une bande dessinée augmentée ou imaginer Paris en 2150…

Quel rapport avec l’Egypte ?

De tous nos projets, le premier en 2005 fut la simulation du chantier de construction de la pyramide de Kheops selon l’architecte Jean-Pierre Houdin. J’ai eu, ensuite, la chance de rencontrer Peter Der Manuelian, égyptologue à l’université d’Harvard et initiateur d’un projet de numérisation de l’ensemble des archives des expéditions de l’égyptologue américain George Reisner (1867–1942). Il s’est montré très enthousiaste face à notre méthode, qui permettait de dépasser les clivages entre disciplines.

 Après tout, les anciens constructeurs égyptiens eux–mêmes étaient à la fois des astronomes, des ingénieurs, des architectes, des chefs de chantier, des experts en logistique et en matériaux… Avec Peter, durant cinq ans, nous avons reconstitué très précisément le plateau de Gizeh tel qu’il était il y a 4500 ans, et tous ses monuments, pyramides, tombes, mastabas… Mais à l’époque déjà, l’envie de passer du virtuel au réel nous titillait. Nous en avons eu l’occasion lors de la mission Djedi, en 2010, une collaboration avec l’université de Leeds et le docteur Zahi Hawass pour concevoir et mettre en œuvre un robot capable d’explorer les conduits de la chambre dite de la Reine à Kheops.

Mais pourquoi créer cet institut HIP ?

Nous avons très vite pris conscience que le passage du virtuel au réel nécessitait d’intégrer de nouvelles technologies, et d’autres partenaires. En plus de Dassault Systèmes, nous avons déjà obtenu le soutien de Schneider Electrics et Parrot. Mais bien sûr nous espérons que d’autres entreprises audacieuses nous rejoindrons, avec leurs propres compétences. Au final, l’idée forte est de partager le plus largement possible les connaissances, et de les proposer en accès libre. La création d’une structure d’intérêt général à but non lucratif, à l’image de la fondation Mozilla pour le Web, paraissait la meilleure solution. L’institut HIP est véritablement une structure d’action, liée au patrimoine, plus spécifiquement au patrimoine égyptien, un terrain d’exploration et donc d’innovation infini.

Source : sciencesetavenir.fr/  Par Aline Kiner / le 25-10-2015

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